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Le processus de la peur

Publiée le 20 janvier 2014, 19:34

La peur est le résultat de nos pensées. C’est la pensée qui déclenche la peur. Et c’est d’ailleurs pour cela (et grâce à ce fait) que la solution réside en soi. Il me semble important pour comprendre le mécanisme de la peur, de s’interroger sur ses peurs, et notamment sur l’objet de nos peurs : si j’ai peur des gros chiens, ai-je peur des gros chiens ou de l’idée que je m’en fais (qu’ils m’attaquent ou me montrent leurs crocs par exemple) ? Mon ami avait une peur démesurée des gros chiens. Il avait assisté à une scène marquante de son enfance : son grand frère s’était fait mordre par un gros chien sous ses yeux, scène qui l’avait traumatisé, laissant la peur s’ancrer des années durant. Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’avais un chiot de trois mois qui, du haut de ses sept kilos ne faisait pas le poids face à ce qu’on peut appeler des « gros chiens ». Mais une fois adulte, il allait faire partie de cette catégorie puisque c’est un berger blanc suisse. « J’ai peur des gros chiens » était devenu « j’ai peur de tous les chiens, même des chiots, toutes races confondues ». Étonnée dans un premier temps de voir mon ami si effrayé par ce chiot pataud et qui ne demandait qu’à jouer, je pris conscience que l’idée qu’il se faisait de cet animal le terrorisait. Il avait bien peur de l’idée qu’il se faisait du chien plus que du chien en lui-même. Nous avons décidé de réfléchir sur ce point et peu à peu, avec persévérance, patience, courage et au travers de certains exercices, mon ami est parvenu à devenir maître de sa peur...et du chien ! Nelson Mandela nous a laissé une réflexion pleine de sagesse au sujet de nos peurs et du courage lorsqu’il a dit : « J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre ».
Alors nous pouvons noter plusieurs caractéristiques de la peur : remarquons que la peur est l’émotion du danger, ou en tous cas de la perception du danger. Elle est une émotion souvent inconsciente à fort impact physique. Le cœur et la respiration s’accélèrent, les muscles se contractent, les mains tremblent, le visage pâlit, la chair de poule apparaît, etc. Cela est dû à l’activation du système nerveux sympathique et à ses deux neurotransmetteurs, l’adrénaline et la noradrénaline qui, en cas de peur, agissent sur l’ensemble de l’organisme. Egalement la peur prépare à une action physique, souvent la fuite, mais aussi les coups, les gestes brusques ou bien encore l’immobilisation. Les comportements que la peur inspire ne sont pas toujours contrôlés par la volonté. On peut dire que la peur a un visage, une expression bien particulière, les yeux et la bouche s’ouvrent largement, les sourcils s’élèvent par exemple.
Il est cependant important de différencier peur et anxiété. On a peur en réaction d’un danger, alors qu’on est anxieux en anticipation à un danger à venir ou supposé. La peur est brève alors que l’anxiété peut être chronique. La peur concerne un objet précis (je sais de quoi j’ai peur), tandis que l’anxiété est en rapport avec un objet parfois flou (je ne sais pas quelle forme va prendre le danger). La peur induit des manifestations physiques prédominantes (tension, tremblements...), alors que l’anxiété laisse place à des manifestations psychologiques prédominantes (du souci, des inquiétudes...). Si la maladie psychiatrique dérivée de la peur est la phobie (peurs incontrôlables de diverses situations), celle qui est dérivée de l’anxiété est la généralisation de cet état (soucis incontrôlables sur la vie quotidienne).
Alors quelle est l’utilité de la peur ? A quoi nous servent nos peurs ?
Dans le livre Petit traité des grandes vertus, André Comte-Sponville souligne que la vertu à opposer à la peur est la prudence, cette « science des choses à faire et à ne pas faire », et non le courage. Ce qui rend courageux, c’est la maîtrise de la peur, le fait de la contrôler à défaut de pouvoir la supprimer, réflexion qu’Erica Jong souligne en citant « Je n'ai pas cessé d'avoir peur, mais j'ai cessé par contre de laisser la peur me contrôler ». Et puis ne dit-on pas que la peur a de grands yeux ? Plus on a peur de quelque chose et plus on le détecte vite dans notre environnement. La peur nous sert à être vigilants. Néanmoins, l’hyper-vigilance liée à la peur entraîne une perte de discrimination : tout ce qui ressemble à ce qui fait peur déclenche l’alerte. Ce ne sont plus seulement les gros chiens qui montrent leurs dents qui font peur, mais tous les chiens (pour reprendre l’exemple cité ci-dessus). La peur entraîne une perte de lucidité. Bien sur l’imaginaire a un grand rôle dans ce processus. Si une personne a très peur des araignées, le simple fait d’en parler ou de prononcer le mot « araignée » déclenche des réactions fortes de peur.
Alors d’où viennent nos peurs ?
Il semble qu’une peur puisse s’apprendre par expérience directe de trois manières différentes. La première est celle d’une expérience traumatique unique (avoir été victime d’un accident de voiture est une expérience qui peut induire la peur des trajets automobiles par exemple). La deuxième est celle de petites expériences stressantes répétées, sans possibilités de contrôle (plusieurs voyages un peu agités en avion peuvent laisser une peur des vols aériens). Enfin la troisième est celle de « l’après-coup », par exemple être victime d’un braquage, avec un état de choc relatif mais très amplifié dans un second temps, après réalisation du danger encouru. Une autre manière d’être « contaminé » par la peur est de voir un adulte proche avoir systématiquement peur de quelque chose. La peur peut se transmettre.
On peut observer des maladies de la peur : les phobies (un excès de peur) regroupant trois grandes familles que sont les phobies spécifiques (peur intense mais limitée à certaines situations précises ou à certains animaux), la phobie sociale (peur intense du regard et du jugement d’autrui, crainte d’être ridicule ou d’avoir un comportement inadéquat), puis l’agoraphobie et le trouble panique (peur intense de la survenue de crises de panique, surtout dans les endroits où l’on se sent« coincé », loin des secours en cas de malaise). Alors comment gérer ses peurs ?
Accepter la peur, ne pas en avoir honte, et ne pas chercher à la supprimer totalement. La peur est un signal d’alarme sur l’existence d’un danger ou d’une vulnérabilité chez le sujet qui a peur. Il s’agit davantage de la moduler afin de pouvoir agir avec elle. Puis il est important de développer le contrôle sur la peur. Le sentiment de peur est fréquemment lié à un sentiment de non-contrôle sur les situations, donc s’informer est un moyen efficace pour y palier (et couper court à l’imagination). Pour reprendre l’exemple évoqué ci-dessus, mo ami s’est renseigné sur les comportements des chiens, leurs fonctionnements, les manières de réagir face à tel comportement (au travers de l’éducation canine), etc. Et puis bien sûr il me semble essentiel d’apprendre une méthode de relaxation afin de pouvoir l’utiliser lorsque la peur approche. Le fait de pouvoir adopter une attitude active face à la peur est un remède efficace. Fuir ses peurs ne les fera pas disparaître, apprendre à les affronter, avec maîtrise, malgré toutes les difficultés que cela peut représenter, est la solution pour les domestiquer.
Dans tous les cas et quelques soient nos peurs, ce qui à mon sens est capital, c’est d’arriver à comprendre toutes les subtilités du mécanisme de la peur. Identifier ses peurs, ses croyances, l’état d’esprit et les sentiments que nous émettons en rapport avec notre désir. Y parvenir est une superbe occasion d’évolution, de libération, de connaissance de soi et donc du processus de la pensée puisque nous sommes ce que nous pensons.



Ecrit par Fanny Vanesse.

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